La réforme de la réforme...

mercredi 27 octobre 2010
par  Christophe CAILLET
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Il y en a des amendements dans cette loi, et tous seraient passionnants à décrypter... Mais cela prend du temps.

Arretons nous toutefois sur l’un de ces amendements votés par le Sénat, car il est des plus intéressants, je veux parler de celui de la "réforme systémique"... Cékoidon ?

Cette réforme s’auto-détruira dans trois ans...

Souvenez-vous, pour ceux à qui cela aurait échappé, cette réforme est la grande réforme, seule possible et efficace pour sauver les retraites françaises.

Si si, elle est tellement efficace meme, qu’elle contient un amendement qui dit qu’il faudra réfléchir à tout recommencer à partir de 2013 ! C’est un nouveau concept : la réforme qui se réforme elle-meme. On n’arrete pas le progrès.

La belle réforme qui sauve tout, donc, devra laisser la place bientot à une nouvelle réforme qui sauve encore plus blanc que blanc. Étant donné que celle-ci aura déjà tout sauvé, on se demande bien pourquoi, mais bon...

Et nos bons sénateurs sont tellement en avance sur leur temps qu’ils savent déjà ce que contiendra la réforme qui viendra réformer la réforme qui sauve tout. Il s’agira d’une réforme "systémique" qui devarait instaurer un système de retraite par points ou par compte notionnel,selon le modèle Suédois. (Rappelons qu’en Suède, les taux d’emploi sont les plus élevés d’Europe, notamment chez les Séniors. Ce qui est loin d’etre le cas de la France. Si le système "fonctionne" en Suède, c’est peut-etre parce que l’emploi y est meilleur, pas forcémment le système de retraites...)

Article 3 decies (nouveau)

I. - À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.

Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :

1° Les conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;

2° Les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations ;

3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.

II. - En s’appuyant sur l’expertise du Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.

La manœuvre politique est habile : En effet, le système de retraite par points est une revendication du centre. Pour avoir la majorité au Sénat, l’UMP avait besoin des voix du centre, tout comme il en aura certainement besoin au second tour des élections présidentielles de 2012. Cet amendement aura permis de faciliter le vote au Sénat, et de préparer déjà la future campagne de Nicolas Sarkozy (qui prouve ainsi qu’il ne va pas à la peche que du coté du Front National).

Mais la retraite à points ou en compte notionnel, qu’est-ce que c’est ?

Reprenons un peu les différents systèmes de financement des retraites :

Retraite par répartition :

C’est le système qui est majoritairement utilisé en France. Il fonctionne selon un principe de solidarité inter-générationnelle : Les actifs paient des cotisations, qui sont réparties parmi les retraités. L’argent dépensé par les actifs est directement reversé aux retraités, il n’y a donc pas intervention d’organismes financiers.

Les parts que reçoivent les retraités (les pensions) sont calculées à partir du salaire moyen touché pendant les 25 meilleures années.

Les retraites sont touchées à partir du départ à la retraite. L’age légal définit l’age à partir duquel un salarié peut demander son départ à la retraite. Mais s’il n’a pas cotisé un nombre suffisant d’annuités (40,5 ans actuellement, 41 ans en 2012) , sa pension subira une décote à moins de travailler jusqu’à l’age de départ à la retraite sans décote. (La "réforme" Woerth impose le recul de l’age légal du droit de départ à la retraite de 60 à 62 ans, et celui de l’age de départ sans décote de 65 à 67 ans.)

Le système de financement par répartition est indépendant des systèmes financiers, et résiste de ce fait aux crises boursières. Il ne dépend que de la masse salariale, c’est à dire du montant des salaires et de l’emploi. Agir pour le sauvegarder supposerait que l’on cherche d’abord à augmenter ces deux variables.

Retraite par capitalisation :

La retraite par capitalisation, encore discrète en France, est un système qui a de multiples formes. Mais l’idée générale est que les salariés placent (de leur propre initiative, par l’entreprise ou l’Etat, selon les cas) une partie de leur salaire, dans l’espoir que ce placement permettra de financer leurs retraites à venir. Il s’agit de plans d’épargne retraite, de fonds de pension, et autres... Ces systèmes font évidemment le bonheur des banques, assurances et autres organismes financiers qui gèrent ce type d’épargne. Mais en cas de crise financière, les fonds de pension fondent et les épargnants l’ont dans l’os (sauf si le gentil contribuable est mis à contribution pour réparer les petites betises des traders et des actionnaires). C’était le système qui fonctionnait en France jusqu’au crach boursier de 1929, c’est dire sa stabilité !

Les deux principaux plans d’épargne retraite par capitalisation, le PERP et le PERCO ont été mis en place par la loi Fillon de 2003. Mais devant leur insuccès, la "réforme" Woerth a proposé, sur l’initiative de quelques députés dont notre Cher Pion, d’assouplir leur mécanisme pour les rendre encore plus attrappe-gogos.

Retraite par points (ou comptes notionnels, ou encore capital virtuel) :

Ça a la couleur d’une retraite par répartitions, et le gout d’une retraite par capitalisation, mais c’est autre chose :

Dans la retraite par points, les cotisations versées par les actifs sont converties en points (calculés en comparant le montant des cotisations indexés à un montant de référence (le salaire moyen en Suède - le PIB en Italie. Le choix n’est pas anodin, car la croissance du salaire moyen est inférieure à celle du PIB). En clair, ce ne sont plus les 25 meilleures années qui comptent pour le calcul, mais toute la carrière. De plus, les méthodes de calcul de la valeur du point sont très instables. L’effet direct de tout ceci : la baisse du montant des pensions.

Vive la liberté, chaque actif choisit l’age de son départ à la retraite (un peu comme les salariés qui choisissent de travailler le Dimanche, ou de faire des heures supplémentaires, c’est à dire sous la pression d’une menace de licenciement ou d’une stagnation de salaire). Cette "liberté" individualise le choix de la retraite, et ronge l’aspect solidaire des retraites.

Lorsque l’actif prend sa retraite, on calcule sa pension à partir de deux données : Combien de points il a accumulés sur son "capital virtuel", et combien de temps il lui reste à vivre (en se basant sur l’espérance de vie au moment du départ à la retraite). L’utilisation de l’espérance de vie dans le calcul conduira également à une baisse des pensions si cette espérance de vie continue à croitre.

Il est donc loin d’etre certain que ce système de retraites soit la panacée... Nous devons redoubler de vigilance, et continuer le combat contre la réforme actuelle, tout en préparant les batailles à venir.


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